Tribune de Viviane Neiter, Consultante, formatrice et administratrice de société
Tel un cygne noir, un de ces événements à la très faible probabilité de se produire, étudié par Nassim Nicholas Taleb, le dissident de Wall Street, le Covid-19 est arrivé, provoquant une crise sanitaire sans précédent et une crise économique sévère, dont on imagine les conséquences sociales et humaines catastrophiques. Cependant, faut-il tomber dans le pessimisme ? Non, André Comte-Sponville affirme que le pessimisme est une tristesse, qui finirait par nous décourager de vivre. Or, c’est la joie qui est bonne, c’est le courage qui est nécessaire.
Nous devons donc profiter de ces crises pour prendre notre courage à deux mains et nous remettre en cause. Comme le dit si bien Pascal Picq, « Homo sapiens se voit trop souvent en chef-d’œuvre de l’évolution. Il serait temps qu’il réalise qu’il est l’hôte d’une nature et d’une évolution où dominent les micro-organismes, dont les bactéries et les virus ». Le pouvoir de décision est trop concentré : pourquoi ne pas écouter les parties prenantes pour lancer de nouvelles organisations, et donc de nouvelles stratégies ? Elles veulent aussi participer à la création de valeur et engager le dialogue dans de nouveaux espaces. Relisons, comme le suggérait récemment dans un webinaire, Jean-Louis Magakian, professeur à l’EM Lyon, « L’homme sans qualités », un des romans majeurs, inachevé de Robert Musil. Il les avait toutes, mais ne savait pas les employer.
L’intelligence doit être collective pour transformer notre société, re-penser l’avenir, en acceptant l’incertitude. En effet, nous vivons dans une société à risques. A force de prévention et à force de vouloir minimiser les risques, notre société avait basculé dans l’illusion du risque zéro et du principe de précaution. Rappelons les propos du Professeur Laurent Lantieri, qui avait justement fait valoir non pas « l’application d’un principe de précaution, mais d’un principe de prévention », lors de la décision du Gouvernement français de recommander aux femmes porteuses de prothèses PIP de se les faire retirer.
Le célèbre sociologue allemand Ulrich Beck, auteur de la « Société du risque » en 1986, année de la catastrophe nucléaire que nous avons sans doute sous-estimée, propose un jeu d’équilibrage des pouvoirs et des contre-pouvoirs. Pour lui, dans ce cas précis, la réunion de plusieurs pouvoirs doit ouvrir la voie à une démocratie réflexive, notamment pour les risques technologiques et naturels. En revanche, la nécessité de contre-pouvoirs était cruciale pour l’expertise technique. En matière de recherche, cela signifie qu’il faut instaurer en amont une gestion des risques et attaquer le cloisonnement disciplinaire.
D’ores et déjà, on peut supputer et espérer un changement dans les organisations au risque de voir disparaître des entreprises. Le management se devra d’être durable : bienveillance, empathie, patience, respect et autres soft skills sont devenus des qualités indispensables pour les managers. A l’instar des managers-jardiniers, ils devront nourrir leurs équipes comme on jardine, accompagner leur développement en identifiant problèmes et besoins, observer les évolutions, tutorer individuellement, renoncer à l’hyper court-termisme.
Nous avons beaucoup à apprendre de la nature ! Mon collègue Alchemist, Alain Renaudin, a une base line inspirante : « Get inspired by nature to rebuild the future ». Avant même l’apparition du nouveau virus, il affirmait que « jamais l’immobilisme et le conservatisme n’ont été aussi risqués ; l’exigence de renouvellement et de réinvention à ce point vital ».
En conclusion, je citerai les propos du naturaliste Charles Darwin : « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements.”
Avec cette crise d’une ampleur sans précédent, ayons le courage de changer nos comportements. Nous devons construire un nouveau monde, de nouvelles organisations plus agiles. Dans un papier écrit pour l’Académie des Alchemists, j’affirmais à notre Président Michel Paolucci que le Covid-19 pourrait être un antidote au mal moral de nos sociétés et un accélérateur pour un nouveau crédo de la gouvernance d’entreprise : « people before profit ».
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