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« L’ancien monde » aura prouvé sa robustesse, là où le « nouveau monde » a calé


Jean-Philippe Dugoin Clément, Vice-Président de la région Île-de-France et Maire de Mennecy Vous avez-été réélu dès le premier tour, Maire de Mennecy. Dans l’urgence, comme vos collègues maires, vous avez dû gérer la mise en place du confinement et ses conséquences. Depuis le 11 mai, c’est le déconfinement que vous devez accompagner. Le Président de la République a déclaré lors de son intervention télévisée : »Je veux ouvrir une page nouvelle donnant des libertés et des responsabilités à ceux qui agissent au plus près de nos vies, responsabilités pour nos hôpitaux, nos universités, nos maires« . Des paroles qui doivent vous satisfaire ? Cette crise a –t-elle confirmé le Maire, comme unique maillon de proximité au côté des préfets ?

Le problème avec le Président de la République est qu’en général il parle bien, mais que les mots ne sont pas suivis d’effet ou que, lorsque les effets se produisent, l’écart est tellement grand avec les déclarations préalables que personne n’y retrouve ses petits. Là où l’Etat n’arrive plus à apporter des solutions rapides et concrètes à des habitants pris à la gorge par une situation de crise, les 36 000 maires et 500 000 élus locaux, c’est-à-dire le cœur de l’ancien monde – qui sont aussi ceux qui ont été méprisés depuis le début du quinquennat, sans revenir sur le fameux « #balance ton maire » – ont montré leur capacité à faire face et à agir.

C’est pourquoi, j’attends que l’Etat en tire toutes les conséquences. D’une part, qu’il arrête l’étranglement financier permanent des collectivités mis en place depuis 10 ans et encore renforcé depuis 2017. J’attends avec espoir que l’Etat qui, ne peut plus structurellement assumer un rôle de « faiseux », se concentre sur ses compétences régaliennes en laissant aux collectivités en général et aux communes en particulier les compétences pour faire. Attention, il ne doit pas s’agir d’un nouvel acte de déconcentration, comme beaucoup d’instances nationales l’espèrent, mais d’un véritable acte de décentralisation ce qui implique un réel transfert des moyens financiers afférents et la garantie de leur pérennité. A défaut, il ne s’agira pas d’un mauvais coup fait aux communes, mais d’un mauvais coup fait aux Français ! Vous avez été l’auteur d’un Appel au Maire « à soutenir nos forces de l’ordre » face à ce que vous appelez un « bashing » sans précédent sur les réseaux sociaux… L’affaire « Traoré » et ses conséquences, ne révèle-t-elle pas plus globalement la fragilité de notre pacte social ?

Un pacte social ne peut être respecté que lorsqu’il est expliqué pour être compris et qu’il est défendu. Depuis plusieurs décennies, nous avons collectivement renoncé à expliquer ce pacte social français, à l’apprendre aux jeunes générations. Nous avons systématiquement renoncé à le défendre par lâcheté politique, lorsqu’il était remis en cause. Nous payons aujourd’hui 40 années de renoncements et de veulerie.

Note pays qui a basé son histoire sur des mythes fondateurs et sur un refus absolu des communautarismes est aujourd’hui en passe de s’américaniser. Le mouvement actuel, né d’un fait divers intervenu aux États-Unis, et non en France, en est la preuve la plus flagrante. Alors que notre pays s’était fondé sur un modèle de pacte républicain refusant tout communautarisme et où les clivages étaient généralement politiques ou sociaux, notre société glisse aujourd’hui vers des clivages intégralement communautaristes qu’ils soient d’ordre raciaux ou religieux.

Si nous ne parvenons pas très rapidement à ramener les valeurs d’unité et de laïcité françaises au cœur du débat, les fractures et les violences auxquelles nous assistons aujourd’hui ne feront qu’empirer et nous assisterons de plus en plus à une radicalisation entre les tenants d’une extrême droite s’érigeant en rempart face aux tenants d’une extrême gauche souhaitant prospérer sur une déconstruction de notre pacte social français. Pendant la crise, toutes les collectivités territoriales se sont mobilisées aux côtés de l’exécutif pour apporter leur soutien aux secteurs économique, sanitaire et associatif. Les régions ont été fortement mobilisées et directement impliquées dans le fond de solidarité de 1,2 milliards d’euros. Aujourd’hui, avez-vous le sentiment que le rapport de force entre l’Etat et les collectivités a changé ?

Ce n’est pas une question de rapport de force. Je dirais plutôt que cette crise a mis en évidence les failles, voire les défaillances de notre système institutionnel actuel. Le tout jacobin a fait son temps. L’Etat, en dehors du régalien, ne doit plus vouloir faire, il n’y arrive plus ! Il doit fixer un cadre et en contrôler la mise en œuvre. Rien d’autre. Comme je le disais précédemment, nous devons passer à une nouvelle étape de la décentralisation. Oui, au transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités, par exemple dans le domaine de la santé. Mais redonnons aux collectivités les moyens de (bien) faire. Mettons un terme au blocage automatique ou mal calibré des dépenses de fonctionnement imposé par le « pacte de Cahors » que je qualifie volontiers de « braquage » de Cahors. La période de récession qui s’annonce dès la rentrée le justifie d’autant plus. Cette nouvelle étape de la décentralisation doit s’incarner dans une complémentarité retrouvée entre l’Etat, s’emparant pleinement du régalien, et les collectivités territoriales en allant jusqu’à l’échelon communal, celui de l’opérationnalité et de la proximité avec le citoyen.

Cette crise aura au moins eu un mérite : celui de faire apparaître aux yeux de tous l’incroyable engagement des élus locaux et leur capacité à gérer des situations d’urgence pour protéger et répondre aux besoins de leurs administrés. L’ancien monde aura prouvé sa robustesse, là où le nouveau monde a calé.

Au niveau de la Région Ile-de-France, nous avons pris toute notre part en nous mobilisant dès le début de la crise pour acheter, distribuer des masques aux soignants, aux pharmaciens et aux maires des communes franciliennes. Plus récemment, nous avons également décidé de faire de même pour les tests. La mise à disposition de notre plateforme régionale d’achats aux entreprises et aux collectivités et le fonds résilience que nous venons tout juste de créer sont autant d’exemples du bien fondé et de la nécessité d’une plus grande autonomie accordée aux collectivités.

Avec mes collègues, Maires d’Ile-de-France, à notre niveau, nous avons également participé à cet effort. Nous avons été en première ligne au moment de la réouverture des écoles et la « remise en route » des services publics de proximité. Je crois que cet épisode nous aura aussi permis de renouveler la confiance qui nous lie aux citoyens et de mesurer la force d’une action coordonnée entre élus locaux. Vice-président de la Région Ile de France en charge du développement durable, vous avez appelé à une « relance verte », afin d’accompagner les entreprises et les Franciliens dans l’après Covid-19. Pouvez-vous nous présenter les différentes mesures de ce plan de relance verte ?

Effectivement, nous venons d’adopter un plan de relance avec des moyens considérables, puisqu’il est doté de 1,3 Mds€. Pour répondre aux besoins des Franciliens, entreprises, associations et collectivités, nous l’avons construit autour de 4 axes : l’économie, l’emploi, la solidarité / santé, et bien sûr l’environnement.

L’axe environnemental a une place prépondérante, car c’est aujourd’hui une impérieuse nécessité. Pour autant, nous n’avons pas attendu la crise du Covid-19 pour en faire la priorité de notre mandature. Dès son arrivée à la tête de la Région Ile-de-France, Valérie Pécresse a souhaité poser des actes forts dans ce domaine comme en attestent les nombreuses politiques publiques que nous avons bâties et qui portent aujourd’hui leurs fruits. C’est pourquoi après avoir mis en œuvre une ambitieuse stratégie énergie climat pour répondre à l’urgence écologique, nous nous devions de répondre avec des mesures fortes sur le plan environnemental.

Cela passe évidemment par des investissements conséquents avec, par exemple 30 M€ pour poursuivre le soutien aux énergies renouvelables, axe stratégique de notre politique, 70 M€ investis pour la rénovation thermique des lycées, 8 M€ pour les espaces verts, 30 M€ pour des transports innovants et écologiques. Bien entendu, ces investissements ne règlent pas tout et nous avons conscience qu’il faudra encore poursuivre nos efforts pour accompagner la relance de l’économie. Nous proposerons dès la rentrée prochaine de nouvelles mesures en ce sens.

Des mesures fortes, mais pas seulement. Nous voulons des mesures qui témoignent de notre volonté d’associer et de responsabiliser l’ensemble des Franciliens. C’est donc une relance verte, mais aussi participative que nous proposons aujourd’hui. Très concrètement cela signifie que sur les 238 M€ de ce plan de relance verte, 100M€ sont consacrés dès 2020 au lancement d’un budget participatif et écologique régional destiné à faire repartir l’investissement public local. Ce budget écologique et participatif mobilisera 500M€ d’ici 2024. Pour accélérer la transition énergétique et structurer une filière hydrogène sur le sol français, l’État a lancé un plan hydrogène au niveau national, décliné par chaque région. La région Ile-de-France fait-elle de la production d’hydrogène l’une de ses priorités ?

Développer la production hydrogène est effectivement une priorité pour la Région Ile-de-France. Le soutien à cette technologie s’inscrit parfaitement dans notre stratégie d’une région zéro carbone à horizon 2050. Energie renouvelable, facilement transportable et stockable, elle offre de nombreux débouchés décarbonés dans l’industrie et les transports. C’est ainsi que nous avons voté dès novembre 2019 un plan hydrogène pour en faciliter et accélérer le déploiement sur notre territoire

Cette énergie est néanmoins encore très couteuse. C’est sans doute l’un des principaux freins à son développement à l’heure actuelle. Il y a donc beaucoup à faire et il n’est pas certain que la France ait pris la mesure du chemin à parcourir pour permettre le « décollage » de cette énergie. Certes, l’Etat a lancé un plan hydrogène doté 100 millions d’euros. Ces 100 millions pourront-ils vraiment suffire ? Voyez l’Allemagne, qui dans le cadre de son plan de relance, va investir 9 milliards d’euros et avec l’ambition de devenir le pays de l’hydrogène.

Loin de nous décourager, cela doit nous inciter à frapper fort et à passer à la vitesse supérieure dès maintenant.

A l’échelle de l’Ile-de-France, c’est notre ambition. La loi nous a confié le rôle de chef de file sur l’énergie, l’air et le climat, sans pour autant toujours nous donner pleinement les moyens correspondants aux enjeux. Dont acte, nous avançons !

Très concrètement, nous avons ainsi mis en place un nouvel appel à manifestation d’intérêts « Innovation et structuration de la filière hydrogène », véritable outil d’aide à l’acquisition de véhicules hydrogène et d’aide au développement de la production d’hydrogène en Ile-de-France.

Sans oublier notre action dans le domaine de la mobilité et des transports publics. Depuis la rentrée 2019, nous avons mis en circulation les tout premiers bus à hydrogène d’Île-de-France pour tester le potentiel de ce type de véhicule. Notre objectif : proposer une flotte de bus entièrement propres dans les zones denses en 2025 et dans le reste la région en 2029.

Parallèlement à ces initiatives, nous travaillons à la structuration de la filière avec les acteurs du secteur. Il y a un an en juillet 2019, avec Valérie Pécresse, nous les avons tous réunis – opérateurs, syndicats d’énergie, associations, entreprises privés – pour lancer le label « Ile de France, territoire d’hydrogène » posant ainsi un cadre commun et les bases d’engagements réciproques pour créer un écosystème favorable à l’essor de l’hydrogène. Ces synergies sont indispensables pour obtenir des avancées significatives. C’est pourquoi, dans cette même logique, le 6 juillet prochain, nous lancerons officiellement le club des acteurs de l’hydrogène. Espace de partage d’expériences, ce club sera conçu comme un outil opérationnel pour fédérer les initiatives et porter des projets d’envergure.

Enfin, avec nos partenaires, nous finalisons une importante étude sur le potentiel et les débouchés de la filière notamment sur le thème des transports publics. Les résultats seront très prochainement dévoilés. Je peux dès à présent vous dire qu’ils sont prometteurs.

Je suis convaincu que l’hydrogène est une énergie d’avenir, car écologiquement saine ; nous devons désormais la rendre économiquement attractive. Les enjeux sont tels que nous devrons jouer collectif !

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