Interview de Dominique Boulbès, Président du Groupe Indépendance Royale
Est-ce la fin de l'explosion démographique ?
Absolument, tel est le schéma privilégié par les démographes. La raison tient en une formule : la transition démographique. Ce phénomène définit le passage d'un régime où la fécondité et la mortalité sont élevées et s'équilibrent approximativement (c'est ce qu'a connu l'humanité pendant des millénaires), à une situation où la natalité et la mortalité sont faibles et s'équilibrent également. Cette transformation, qui a commencé à toucher les pays européens il y a près de deux siècles, devient une réalité partout dans le monde.
Quelles sont les phases de la transition démographique ?
La première phase commence par une chute du taux de mortalité, conséquence des progrès en matière d'hygiène, d'alimentation, de médecine, tandis que le taux de fécondité se maintient sur le schéma antérieur de 6 à 7 enfants par femme. Dans une seconde phase, la mortalité, sous l'effet continue des progrès sanitaires, poursuit plus lentement sa diminution, pendant que la natalité diminue fortement pour atteindre une fécondité de 2 enfants par femme en fin de phase. Deux phénomènes expliquent cette chute brutale du taux de natalité : d'une part, la baisse de la mortalité infantile a été intégrée dans les comportements sociaux, et d'autre part les mentalités évoluent, notamment la condition des femmes. Dans les pays développés, cette phase a été atteinte dans les années 1950.
Si les pays industrialisés ont mis du temps à accomplir leur transition démographique, les pays en développement ont par la suite mis à profit les progrès existants pour l'effectuer en seulement quelques décennies. Certains sont en revanche toujours en cours de transition : selon les scénarios de l'ONU, celle de l'Afrique ne s'achèvera qu’entre 2060 et 2100.
La population de jeunes continue-t-elle de croître ?
C'est justement la surprise de ces dernières décennies : les pays développés sont entrés dans une post-transition démographique. Au lieu de se stabiliser, le taux de fécondité continue à baisser. Pourquoi ? Les facteurs s'avèrent nombreux : les anticipations pessimistes sur l'avenir, le confort matériel qui replie les individus sur eux-mêmes… La baisse des populations est spectaculaire. En 2050, l'Europe (Russie comprise) aura perdu 37 millions d'habitants, retrouvant sa population des années 70. Comme le Japon, avec une perte de 21 millions d'habitants. Quant à la Chine, elle comptera 180 millions d'habitants en moins en 2070 !
Dans le même temps, les plus de 60 ans, qui constituent actuellement 13 % de la population mondiale, devraient en représenter 21 % en 2050, soit un passage de 1 à 2 milliards. L'Europe connaîtra une augmentation de 57 millions de seniors de plus de 60 ans, mais une diminution de 94 millions des personnes au-dessous de 60 ans. Le grand remplacement qui va s'opérer, c'est celui des jeunes par les vieux !
Et en France ?
La France a eu longtemps un faible niveau démographique par rapport à ses voisins européens. Elle a été le premier pays au monde à enclencher la transition démographique, vers la fin du 18ème siècle. Ce fut notamment une conséquence de la Révolution Française qui, en accordant l'accès à la propriété aux paysans, a causé de leur part une réticence à faire plusieurs enfants pour ne pas démembrer les propriétés. Aussi le pays a dû engager des politiques familiales au 20ème siècle afin d'encourager les naissances (notamment pour fournir des soldats). Après la seconde guerre mondiale, le baby-boom a représenté une véritable rupture, et le phénomène s'est perpétué dans notre pays plus qu'ailleurs. Aussi la fécondité en France est la plus élevée de l'Union Européenne avec un taux de 1,87 par femme. Nous sommes ainsi le seul pays européen qui ne devrait pas voir sa population baisser d’ici 2070. Mais la seule tranche d'âge qui va s’accroître, c'est celle des plus de 60 ans. Le nombre de seniors de plus de 80 ans sera même multiplié par deux dans les 30 ans à venir !
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