Interview de Gontran Thüring, Délégué général du CNCC.
Les centres commerciaux assurent sur l’ensemble du territoire national un rôle social et économique. 80% des centres commerciaux sont demeurés ouverts pour que les surfaces alimentaires et les pharmacies continuent à fonctionner, assurant ainsi une mission solidaire dans les territoires. Les mesures de solidarités et de soutien économique aux centres commerciaux ont-elles été à la hauteur de la crise du Covid-19 ?
Les mesures mises en place par le Gouvernement pour affronter cette crise sans précédent, que cela soit le fonds de solidarité, le Prêt Garanti de l’Etat ou encore le chômage partiel, ont été des soutiens conséquents pour l’économie française. Et notamment, pour les commerces que nous représentons au sein du CNCC. Nous avons la fâcheuse habitude en France de critiquer systématiquement ou de toujours regarder ce qui ne fonctionne pas. Je veux profiter de cette tribune pour mettre en lumière le caractère exceptionnel de l’ensemble des mesures. Pour en avoir discuté avec mes homologues européens, nous avons bénéficié en France d’un dispositif particulièrement avantageux qui ne galvaude pas le terme d’Etat Providence. Pour autant, dans plusieurs pays, l’Etat a accepté de subventionner une partie des loyers correspondant à la période de fermeture des commerces. La réouverture de la majorité des centres commerciaux le 11 mai a été une « bouffée d’oxygène » pour la filière dont dépendent 525 000 emplois et 39 000 commerces. Elle s’est opérée dans les meilleures conditions sanitaires telles qu’imposées à juste titre par le gouvernement. De nombreux contrôles ont été réalisés par l’administration et tout se passe bien. La fréquentation est-elle aussi au rendez-vous ? Avez-vous des chiffres à nous communiquer ?
Une fois encore, je tiens à souligner la formidable mobilisation des adhérents du CNCC, bailleurs ou commerces, qui ont su se mobiliser massivement en un temps record pour permettre la réouverture des commerces. Tout cela en garantissant la mise en place des mesures barrières. A ce jour, tous les contrôles dont j’ai pu avoir connaissance ont été probants. Préfets, police, gendarmerie ou encore SDIS ont félicité les acteurs des centres commerciaux. Quant à la fréquentation, elle correspond à ce que nous avions envisagé, notamment au regard des exemples européens qui s’étaient déconfinés avant nous. A l’issue de ces premiers dix jours, elle oscille entre 60 et 70% d’une fréquentation habituelle avec de très bons taux de transformation « visiteurs/acheteurs ». On a senti une envie des Français de retrouver leurs centres commerciaux, particulièrement en province dans les centres commerciaux de moins grandes surfaces. Ces chiffres sont encourageants quand on considère que les restaurants, bars et cinémas demeurent fermés, alors même que l’on connaît leur force d’attractivité. Le déconfinement a eu lieu dans de nombreux pays européens avec la réouverture progressive des centres commerciaux également. Les procédures sanitaires mises en place sont-elles identiques ?
Les procédures sont globalement homogènes dans l’ensemble des pays européens. Certains pays, comme le Portugal qui avait rouvert les commerces plus tôt qu’en France, avaient mis en place des ratios de fréquentation plus stricts (une personne pour 20m²). Ces mesures étaient également adaptées en fonction de la contamination. Si l’on veut être prospectif et optimiste, en Italie, dont on a connu la forte contamination, tous les commerces, quelles que soient leurs tailles, ont rouvert en ayant mis en place les mesures barrières adéquates. Demandez-vous au Gouvernement de réexaminer rapidement la situation des grands centres commerciaux (plus de 40000) principalement franciliens qui constituent plus d’un quart de l’activité de la filière, ses adhérents (bailleurs, locataires et prestataires) étant dans une situation économique critique après deux mois de fermeture ?
Nous avons effectivement alerté le Gouvernement sur la nécessité de rouvrir rapidement tous les centres commerciaux de plus de 40 000 m² interdits d’ouverture en Ile-de-France et dans la région lyonnaise. Au-delà de la situation économique des bailleurs et des enseignes dans ces centres, il faut donner la possibilité aux franciliens de retrouver le chemin de leurs commerces. Tous ces centres sont parfaitement équipés pour contrôler et réguler des flux de fréquentation. Ils sont à même également de pouvoir faire respecter strictement les mesures barrières. Il est urgent de revoir cette situation, afin de ne pas aggraver une situation déjà mise à mal depuis le 15 mars. Cette crise du Covid-19 et ses conséquences du fait du confinement ont entraîné des tensions entre certains bailleurs et locataires. Le gouvernement a nommé Madame Jeanne-Marie Prost en tant que médiatrice afin d’établir des règles de bonne conduite entre bailleurs et locataires qui ont tous rencontré des difficultés. Où en sommes-nous aujourd’hui sur ce sujet ? Quelles méthodes ont été choisies pour satisfaire les locataires confrontés à une perte du chiffre d’affaire ?
Le CNCC a tout d’abord proposé la rédaction d’un code de bonne conduite que les Allemands ou les Australiens ont mis en place, afin d’avoir un cadre d’échanges respectueux et rationnel. Ensuite, les bailleurs ont accepté d’abandonner trois mois de loyers au bénéfice des TPE, afin de les aider à surmonter cette crise. Cette mesure extraordinaire va permettre aux plus petites entreprises de continuer leur activité. La médiation engagée pour encadrer le gré à gré s’agissant des autres enseignes en difficulté poursuit son travail au travers de nombreux échanges avec les différents protagonistes. La médiatrice devrait rendre au Ministre de l’Economie un projet de charte d’ici la fin du mois. Dans le « monde d’après », comment imaginez-vous l’évolution des centre commerciaux ?
Les centres commerciaux ont montré durant cette crise leur importance en permettant l’ouverture encadrée des produits de première nécessité. Cet ancrage territorial et cet attachement de nos concitoyens pour leurs centres commerciaux (une enquête durant le confinement montrait que le fait « d’aller dans les centres commerciaux » faisait partie du top 10 des activités que les Français voulaient reprendre dès la fin du confinement parmi une trentaine d’items) ont été mis en avant durant cette crise. Quant aux centres commerciaux du « monde d’après », ils n’ont pas attendu cette crise pour faire évoluer leur modèle. Ils sont et seront nécessairement de plus en plus multifonctionnels, flexibles, fruits d’une collaboration étroite entre élus et promoteurs afin qu’ils puissent répondre au plus près aux attentes des citoyens-consommateurs.
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